Nous voilà voguant dans
le deuxième plus long fleuve au monde.
L’Amazone qui a fait la renommée de plusieurs explorateurs, nous laisse
sur l’impression qu’à notre tour nous allons y découvrir un petit quelque chose. Une eau chargée de sédiments et d’un parcours
de près de six mille kilomètres, nous montre ses couleurs (on devrait plutôt
dire « sa couleur »). Le
navire s’y aventure lentement laissant la végétation luxuriante en bordure,
défiler sous nos yeux. Aucune ouverture,
ni brèche si ce n’est celle de l’œuvre de quelques Amazoniens voulant y établir leurs domiciles. Lorsque l’on rapproche momentanément la rive
à soi pour se permettre une meilleure observation des lieux, on est ahuri par
la très grande diversité de végétaux composant les abords terrestres. Toutes ces plantes doivent se faire une lutte
sans merci pour avoir leur juste part d’ensoleillement nécessaire et, à voir
l’état des choses, je crois qu’ils y réussissent bien. Demain nous ferons une intrusion dans cette
impressionnable muraille végétale.
Nous nous levons de bonne
heure pour prendre le petit déjeuner afin d’être à l’heure au départ de
l’expédition dans la forêt amazonienne.
Fébriles et vêtus comme si nous allions au travail en novembre
(j’exagère à peine avec nos pantalons longs et nos chemises à manches longues
ne laissant à découvert que le minimum d’épiderme), nous nous dirigeons vers le
véhicule qui nous amènera aux sentiers permis.
Tout au long du parcours nous apprenons que malgré la densité végétale,
le sol amazonien est pauvre. Après trois
semences, le sol devient impropre à la culture et les fermiers doivent
déménager. C’est d’autant plus
scandaleux lorsque l’on voit des compagnies comme « Cargill » faire
de la culture de soya sur des kilomètres et des kilomètres. On y apprend aussi que le parc où il nous est
permis de faire notre randonnée pédestre, est protégé sur plus de 630
kilomètres carrés avec une interdiction totale de chasse et de pêche sur tout
le territoire. Le célèbre constructeur
de voiture, « Henry Ford », en 1927, avait construit tout un village
dans le style pur américain pour ceux qui travaillaient à l’usine de caoutchouc
(parce qu’ici il y a des arbres à caoutchouc).
Pour habiter son village il y avait trois conditions : pas de
femmes, pas d’alcool et pas de fumage.
L’électricité fit son apparition à « Fordlandia » avant
partout ailleurs au Brésil. En 1935, il
plia bagages en laissant tout derrière lui, le latex n’étant pas de bonne
qualité.
Après une heure et
quart de trajet nous arrivons à la barrière du parc. Notre guide fait un arrêt obligatoire afin de
rencontrer le préposé à l’accueil et pour nous avertir qu’il n’y a pas de
toilette sur le parcours. Tous et chacun
ont senti comme une envie soudaine monter en eux et se précipitèrent vers la
toilette la plus proche. Surprise, il
n’y a qu’une seule toilette, celle du garde-chasse. Pas de problème, les femmes à la « file
indienne » attendent patiemment l’état de délivrance pendant que les hommes,
dos aux dames mais face à la nature se libère en arborant un sourire
béant. Quelques temps après, nous
reprenons la route pour un autre dix kilomètres avant d’atteindre le sentier
promis. On ne pouvait sortir du sentier
tant la végétation était touffue, dense, entremêlée ne laissant pénétrer que
très peu de lumière et formant une couverture presque parfaite. Malgré toute cette opacité, il s’élève
régulièrement des géants comme « l’arbre
à caoutchouc, les ceibas, les noyers du Brésil… » qui atteignent souvent
des hauteurs de plus de 60 mètres avec un tronc égal et parfait élaboré pendant
quelques siècles. C’est si magnifique de
voir ces géants entourés par « des orchidées, des plantes carnivores, des
fougères, des lianes… » comme des enfants autour du « Père Noël ». Nous marchons d’un pas lent, écrasés par une
humidité alimentée par quelques ondées, sur un parcours de près de deux heures
sans voir le soleil.
De retour au navire
nous attendons le départ afin de nous enfoncer davantage dans ce fleuve laiteux
jusqu’à un petit village de 75 habitants.
Allons-nous connaître une tribu aux piercings impressionnants ou une
tribu « rapetisseur de têtes » ou toute autre moins agressive voulant
négocier avec l’homme au « Latem noeac gib » (grand canoë de métal)? Ce n’est qu’au prochain réveil que nous pourrons
constater les faits. Nous avons une grande
déception de pas voir le rêve devenir réalité mais, quel beau cadeau de voir ce
petit village vivant simplement presqu’emmitouflé par la végétation
abondante. Les enfants sont beaux et
vous offrent la main pour vous accompagner dans le village en retour d’une
récompense, pour notre part, du chocolat (je ne voudrais pas être le parent de
ces enfants ce soir car, je crois qu’ils vont être survoltés). Maisons sur pilotis bravant la crue des eaux
à la saison des pluies, école juchée à toute épreuve, église simple appelant le
recueillement et douceur de vivre sont le lot de ce petit village. Pour compléter notre enchantement nous
négocions un tour de pirogue sur l’Amazone avec un pêcheur de la place. Écopant régulièrement son embarcation, notre
hôte sans mot dire nous amène doucement dans
quelques méandres sous les « put! put! » d’un moteur monté sur une
longue tige conçue pour ces plans d’eau.
Il ne parle pas mais il arbore un sourire de satisfaction nous faisant
découvrir un autre aspect de son coin de pays.
Adrienne est aux anges et profite de ce moment de tranquillité et d’évasion
pour se rappeler une expérience déjà vécue.
Il nous invite chez-lui mais le temps nous manque et nous devons revenir
au navire pour poursuivre notre périple.
Demain nous accosterons à « Manaus » qui sera le point le plus
éloigné de notre expédition sur l’Amazone ». Nous avons parcouru depuis notre départ de « Fort
Lauderdale » près de 16 700 kilomètres.